Déc 261998
 

Une application de l’utilisation des logiciels libres dans le secteur de l’éducation.


L’association École Ouverte de l’Internet a été créée pour promouvoir l’Internet citoyen et coopératif. Nous  voulons, par la formation, qu’un outil appelé à prendre de plus en plus de place dans la vie de tous les citoyens ne soit pas soumis aux seules décisions de ceux qui, aujourd’hui, en connaissent les tenants et  aboutissants.

L’École Ouverte de l’Internet se veut un réservoir bénévole de compétences pour les organisations publiques  (associations, collectivités locales ou territoriales) qui souhaitent faire de la formation à Internet gratuite  pour adultes. Organisée en association loi de 1901 depuis début décembre, elle fonctionne depuis plus d’un  an déjà, et a participé à différentes expériences de formation populaire depuis:

– Création d’un stage de 8 séances de 2 heures pour les enseignants, au PULV.

– Ouverture d’un lieu de formations thématique, dès cette année, à l’École d’architecture de Paris la Villette. Ouvert à tous.

– Aide à l’installation d’un collège à L’Ile-Bouchard (près de Tours) qui sera ouvert au public 2 soirs par semaine pour des démonstrations publiques d’Internet.

Tous les stages et les formations organisés par, ou avec l’aide, de l’École Ouverte, se font en utilisant des logiciels libres.

Le mot clé qui relie l’éducation et les logiciels libres est « indépendance ».

La micro-informatique, ce n’est pas un scoop, est soumise à ce que certains nomment un quasi-monopole, d’autres un monopole de fait, d’autres encore à la loi du marché.
Il est difficile, dans le domaine de l’enseignement, de trouver d’autres exemples pour lesquels un tel  problème se pose. Le parallèle ironique consistant à demander s’il serait acceptable de donner licence à telle chaîne de fast-food américaine pour fournir les cantines scolaires tient difficilement, à moins qu’on admette  qu’il existe un monopole dans le domaine de la nourriture.

Mais le monopole existe bel et bien, dans les faits, dans le domaine informatique. On peut en effet penser,  qu’on en soit heureux ou mécontent, que les élèves trouveront face à eux, dans le monde du travail, les logiciels de Microsoft. Une certaine idée de l’efficacité pourrait donc conduire à enseigner non pas la  fonctionnalité de tel ou tel type de logiciel, mais le mode de fonctionnement de tel ou tel logiciel. Enseigner qu’il faut, pour lire son courrier électronique, cliquer dans telle barre de menu, plutôt que d’expliquer ce  qu’est le courrier électronique, comment il fonctionne et quelles fonctionnalités on doit attendre d’un  logiciel de lecture de ce type de documents.

Dans une situation de quasi-monopole, le choix est difficile: faut-il choisir, au nom de cette hypothétique  efficacité, d’enseigner l’usage des logiciels les plus vendus ? Ou bien préférer, malgré des contraintes certaines, l’indépendance qu’offrent les logiciels libres ?

L’École Ouverte a choisi la seconde option, sans état d’âme. Son but est de former le maximum de citoyens  aux usages coopératifs des réseaux. Le modèle de développement coopératifs des logiciels libres, et le fait que  ce modèle soit justement une des principales méthodes de développement de ces mêmes réseaux, ne fait que  nous conforter d’avantage dans notre choix. Mais le point le plus important reste l’indépendance: l’École  Ouverte forme des citoyens, pas des clients. Le choix des Logiciels Libres est alors tout naturel: si on ne  souhaite pas dépendre de tel ou tel commerçant, ce qui finalement semble normal lorsqu’on parle  d’éducation, ils constituent le seul choix logique et, finalement, naturel.

Le parallèle que nous préférons est celui des cours et des programmes « classiques » de l’Éducation Nationale.  Basés sur le travail commun d’experts reconnus et d’enseignants, les programmes ne sont pas fournis « clé en  main » par tel ou tel éditeur de livres scolaires. Les logiciels utilisés pour la formation à Internet ne sont  pas seulement des outils permettant l’apprentissage, ils sont aussi un objet d’apprentissage en eux-mêmes.  Et à ce titre, doivent faire l’objet d’une aussi grande indépendance que possible, et respecter le plus possible  les « standards » définis par d’autres que le seul monde du commerce.

L’École Ouverte a donc choisi: nos supports de cours sont des logiciels développés selon le modèle le plus  ouvert qui soit. Nos élèves peuvent, à l’instar des livres scolaires, les « emporter » chez eux pour les étudier tout à loisir, sans payer de licence supplémentaire. Nos cours sont publiés et discutés, soumis à discussion et  à toute amélioration qui leur serait apportée.

Ca n’a finalement rien d’étrange. Ce qui est étrange, c’est qu’une telle réflexion n’ait pas été plus tôt menée  au niveau institutionnel, qui amènerait inévitablement au même constat simple: seuls les Logiciels Libres sont adaptés à l’enseignement, et en particulier à l’enseignement des techniques reliées à l’informatique.

D’autres arguments, politiquement de moindre importance, doivent aussi être pris en compte. Les Logiciels Libres, parce qu’ils n’entrent pas dans le jeu de la consommation classique, ont une durée de vie bien  supérieure aux logiciels commerciaux. S’ils évoluent au moins aussi vite, ils restent utilisables sur des  matériels moins performants que ceux basés sur la dernière version des processeurs d’Intel dotés d’une  quantité de mémoire gigantesque, tout en conservant du fait de leur ouverture une compatibilité ascendante qui fait cruellement défaut à bien des logiciels commerciaux. A ce titre ils ne nécessitent pas  qu’on renouvelle chaque année le matériel ou le logiciel qui équipe toutes nos écoles. Ici encore, l’argument  est applicable à bien plus grande échelle que la notre, et de façon plus critique encore.

Accessoirement, leur quasi gratuité est, dans le cas d’une association axée sur le bénévolat comme la notre,  un facteur non négligeable. Tout comme la liberté de modifier (ou de faire modifier par des gens plus  compétents) les outils nécessaires, en toute liberté, est importante. Tout comme est important le fait de permettre, à moindre coût, l’administration à distance des machines installées. Et ces facteurs aussi sont  applicables à toute l’éducation.

Voilà toutes les raisons qui font que l’association École Ouverte utilise les Logiciels Libres, et demande à ses  partenaires de faire de même. Voilà aussi pourquoi l’École Ouverte milite sincèrement, aux côtés de l’AFUL,  pour que les Logiciels Libres, et eux seuls sauf exception, soient utilisés dans le cadre de l’Éducation  Nationale. Le Mexique l’a bien compris: 150000 lycées et collèges vont y être équipés de Linux.

Aujourd’hui, nous fonctionnons grâce au bénévolat. Lorsqu’un projet nous est soumis, nous intervenons  pour installer les ordinateurs, les logiciels, la connectivité, puis pour former les futurs formateurs. Dans la  mesure de nos moyens. La philosophie de développement des Logiciels Libres fait que, le plus souvent, il est facile de trouver des bénévoles pour ce travail.

Mais il est illusoire de penser qu’un tel modèle est applicable à la société toute entière. C’est là le rôle du   politique, et c’est vers lui que nous nous tournons pour l’avenir: est-ce bien le rôle des associations que de former les citoyens à l’usage d’un outil qui devient incontournable, tant dans les rapports avec les  administrations que dans les relations humaines ? Est-ce bien le rôle des associations que de vouloir  soustraire l’éducation aux jeu de la concurrence et du commerce ? Au final, plus encore que de répondre à  ces questions par des actions de terrain, le rôle de l’École Ouverte est de poser ces questions là.

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