(Ou choses à ne pas dire dans le numéro 2 d’un magazine sur Internet).
Vous êtes encore là? Vous n’en avez pas eu assez alors, on continue!
La dernière fois, nous tentions de démontrer qu’Internet n’était pas fait pour le GrandPublic(tm), et que la publicité faite autour n’était en fait que le début de la mort annoncée du grand réseau coopératif. Car c’est bien de coopération qu’il s’agit: Internet n’a pu se développer que par la coopération, et va mourir du fait même de sa commercialisation, qui ne peut qu’aller à l’encontre de toute coopération.
Mais si vous nous lisez une fois encore, c’est peut-être que vous êtes d’accord sur le principe, mais que vous pensez que ce principe là ne s’applique pas à votre cas à vous. Vous, vous savez bien qu’Internet est fait pour vous. Internet est tellement vaste, il y à tellement de choses qui vous intéressent dans cet immense réseau, complet, auto-référenciel et, finalement Tellement Mieux. C’est d’ailleurs ce que vous affirment tous les fournisseurs de connectivité, qui deviendront les empires de demain dans les futurs de Gibson et Brunner. Ou ne sont-ils que des fourmis qui vous vendent aujourd’hui les miettes de l’Internet coopératif d’hier, avant qu’il ne se transforme en gigantesque catalogue commercial ?
Mais Internet, c’est finalement tellement grand que vous y revenez, malgré le fait que, pour le moment, vous n’y ayez rien trouvé de très utile, après tout, c’est peut être parce que justement vous ne désespérez pas qu’en cherchant mieux, plus longtemps, vous puissiez trouver enfin quelque élément d’information cachée, introuvable ailleurs ? Ne vous inquiétez pas, les commerciaux s’occupent déjà de mettre à cotre disposition ces catalogues qu’ils devaient avant vous envoyer par la poste. Ca leur coutera moins cher, et vous pourrez enfin admirer leurs produits directement sur votre ordinateur. Quel progrès!
Mais demandez vous, honnêtement, si, à moins de savoir précisemment ce que vous veniez chercher, vous ne passez pas la majeur partie de votre temps de connexion à errer de droite à gauche, à chercher et à trier des informations qui, dans leur grande majorité, n’ont que très peu d’intérêt pour vous? Allons, vous êtes d’accord, Internet n’est pas fait pour vous!
La face cachée du Monde De l’Ombre
Mais attendez! Ce n’est déjà plus d’Internet qu’il s’agit ici, mais du Web.
Cet Internet commercial, anti-coopératif, ouvert à toutes les publications, certes, mais bien souvent aux pires d’entres elles, qui trouvent là un moyen facile d’éviter le filtre des médias classiques pour vous vendre <placer ici votre cauchemard favori>, cet Internet, donc, n’est que la partie la plus « visible » et la moins bonne de ce que vous aimez dans ce monde de l’ombre. Tout juste bonne à épater vos amis à la fin du diner. Vous, vous ne revenez pas pour ça! Vous revenez pour la convivialité, les discussions qui mettent en contact des gens séparés par des frontières ou des barrières culturelles ou sociales, en un mot, vous revenez pour les News. Ouf, vous vous sentez plus à l’aise, hein ?
Mais les News, c’est avant tout Usenet, même si cela transite en majorité par Internet. Un grand nombre de personnes n’ont pas à accès à l’Internet, et ne reçoivent que le Mail et les News, en différé, le soir sur leur machine personnelle ou sur un BBS quelconque — pour quelques centaines de francs par an, au plus. « C’est nettement moins cher que l’Internet », songez vous, mal à l’aise, en contemplant votre facture de téléphone. Il est un peu paradoxal que vous finissiez par apprécier le plus les News, alors que c’est l’aspect le moins « multimédia » de l’Internet.
« Mais alors pourquoi… »
Pourquoi tout le monde se rue-t-il sur l’Internet? Parce que cela leur a été dit et conseillé, que c’était le seul moyen raisonnable d’être à la fois à la mode et au courant de tout.
La mouche dans la Toile.
Le grain de sable est là, au milieu. Vous êtes venu pour l’Interactivité, le dialogue, les échanges, et vous ne faites que consulter. En fait, d’interactivité il y en a très peu, tel que cela est présenté au grand public: le WWW est la partie la plus statique, du point de vue des échanges. Vous récupérez et lisez ce que les autres ont fait, et eux peuvent faire de même avec vos réalisations. Mais vous ne pouvez pas leur serrer la main pour les féliciter de ce qu’ils ont fait, ou tout simplement émettre un commentaire de manière aussi spontanée que dans la Real Life(tm). Et lorsque vous tomberez, par hasard, sur une page dont vous maitrisez le sujet, que pourrez vous faire pour corriger les erreurs manifestes qui vous sautent aux yeux? Mais rien. Encore heureux si l’auteur de la page ignore vos commentaires, il aurait bien pu vous insulter pour juger ainsi de son oeuvre, après tout. Exit la coopération, bonjour la concurrence, vous n’avez qu’à créer votre propre page, pour la proposer vous aussi au public, qui saura bien vous reconnaitre comme le meilleur. On est dans un environnement commercial ou non? Ces grands anciens qui préféraient coopérer pour créer, eh bien, ce sont des anciens, et vive le nouveau monde! Et tant pis si vous devez utiliser ce support que vous aimiez tant (les News) pour faire de la publicité pour votre page à vous. Les autres le font aussi. Chacun pour soi, voilà la nouvelle loi du nouvel Internet commercial.
Vous voilà pris. Pris dans la toile d’araignée du Web, à cliquer sur les boutons de votre souris pour essayer de trouver la faille qui vous permettra, non pas de sortir, mais de trouver ces miettes d’informations promises. Il ne sera pas dit que vous aurez payé pour rien. Un jour ou l’autre, c’est certain, vous saurez pourquoi vous avez été vous jeter dans la toile.
Cette toile (le Web) est la fin de la coopération, la vitrine d’Internet, celle qui attire le public et permet sa vente au plus offrant. Elle est la cause et le but de l’ouverture d’Internet au grand public. Et ne cherchez pas l’araignée. C’est bientôt vous qui vous transformerez pour posséder un bout de la toile dans laquelle piéger vos anciens amis.
Finalement, êtes-vous bien sûr que tout ceci ne s’adresse pas à vous ?