Juil 162003
 

En écoutant Mouloud Aounit parler des résultats de deux ans d’enquète, lors de la conférence de presse du  MRAP d’hier matin, il était difficile de ne pas se demander: « tout ça pour ça ? ».

Selon les chiffres fournis par le MRAP, hélas sans plus de précision, deux ans de « nouvelle extrême droite »  sur Internet représenteraient 150000 intervenants, 400000 articles publiés, 15 procédures pénales et 18 signalements auprès du Procureur. Chiffres auxquels s’ajoute celui de 35%: c’est le taux d’enquètes conclues  avec succès par les services de police spécialisés dans le domaine d’Internet (il faut savoir que ce taux est de 20% seulement en dehors du réseau). Je n’irai pas détailler d’avantage ces chiffres: sans autre information,  ils diront de toutes façons ce qu’on voudra leur faire dire (et le contraire bien entendu).

Mais ce qui étonne, dans tout ce dossier, ce n’est par le nombre de racistes qui se servent d’Internet pour  étaler leur haine de l’autre à la face du monde: la possibilité de parler, masqué derrière un anonymat plus  ou moins poussé, à travers une technologie sans visage, a toujours poussé certains humains à oser afficher  une bassesse quotidienne qu’ils n’auraient de cesse de cacher s’ils devaient assumer leurs propos.

Le passage à l’acte est facilité par la technologie, même si cette dernière n’est évidemment pas responsable  de la pensée imbécile qui sous-tend le racisme.

Ce qui étonne, ce n’est pas non plus, n’en déplaise au MRAP, le fait que la justice soit lente et inefficace: elle  ne l’est pas là plus qu’ailleurs, hélas.

Non, vraiment: ce qui surprend d’abord c’est l’absence totale de proposition concrète, en dehors de la  sempiternelle « Volonté politique » associée à son cortège de « Il faut que la Police dispose de plus de moyens ». Je  suis désolé de le dire, mais on touche là comme ailleurs au degré zéro du discours social.

Ce qui étonne, aussi, c’est le refus souvent répété de considérer les questions techniques et les problèmes que  pourraient poser aux libertés fondamentales une quelconque responsabilisation des intermédiaires techniques: « ce débat là n’a pas lieu d’être et, puisqu’il est technique, laissons-le aux techniciens ».

Mais voilà: en tant que technicien, je sais trop bien comme toute réponse technique qui ne va pas dans le  sens espéré par les interlocuteurs politiques est tout simplement ignorée, repoussée au profit d’avis incompétents fournis par quelques spécialistes autoproclamés qui n’ont d’autre objectif que de s’assurer une  place dans tel ou tel organisme de consultation.

Et bien sûr, comme on préfère botter en touche dès que les choix techniques deviennent des choix  politiques, on finit par se retrouver avec des décisions politiques qui n’ont strictement aucune portée  technique: « Il faut filtrer les sites illégaux », comme si c’était possible sans interdire l’utilisation du téléphone en France, « il faut responsabilier les fournisseurs », comme si ça n’allait pas porter atteinte aux libertés fondamentales.

Et ce qui gène finalement bien d’avantage encore, à la réflexion, ce sont les projecteurs braqués sur ces  quelques anonymes qui n’en espéraient certainement pas tant (merci beaucoup pour la pub, au revoir et à  bientôt).
Car que veulent-ils en effet, ces racistes quotidiens qui n’osent leur médiocrité que planqués derrière tel ou  tel anonymiseur, sinon qu’on les remarque, sinon que d’apprendre qu’ils ont réussi par leur discours à faire mal à ceux qu’ils haissent ?

Quelle est leur existence en dehors de celle que les cibles de leurs diatribes veulent bien leur accorder ? Sans  pour autant les ignorer, que seraient-ils aujourd’hui si, plutôt que de médiatiser une vente d’objet nazis, on  se contentait de faire condamner, chaque jour qui passe, avec les moyens existants déjà, le nouvel  anonyme qui se croit à l’abri de toute poursuite parce qu’il insulte les valeurs républicaines depuis son  fauteuil ? Et quelle importance si les résultats n’atteignent pas 100%, et quelle importance si les procès sont  peu médiatisés, du moment que les condamnations le sont et qu’on affiche ainsi clairement que notre  pays considère que la haine n’est pas une opinion ?

Mais non. Plutôt que de former la population en lui montrant ainsi, quotidiennement, que la haine est un  délit, on préfère semble-t’il faire quelques exemples tapageurs dont le résultat (que ce rapport constate plus qu’il ne le dénonce) ne pourra être que de pousser encore d’avantage de ces pas-grand-choses à oser afficher  ce qui leur sert de pensée pour atteindre, enfin, au Nirvana de la célébrité qu’ils espèrent. On préfère  médiatiser encore d’avantage cette haine, pour se contenter de demander ensuite d’avantage encore de  police. Comme si c’était la bonne solution, comme si ça allait servir le débat, comme si ça pouvait,  miraculeusement, changer la mentalité des racistes.

On mesure dès lors toute l’ironie de la réponse qui me fut faite hier, lorsque je demandais pourquoi, au lieu  de laisser des simples citoyens affronter seuls cette « armée de la haine » dénoncée par le MRAP, les diverses organisations anti-racistes ne venaient pas, elles aussi, défendre les idées qui nous sont chères dans les  forums qui reçoivent chaque jour ces torrents de boue. On m’a dit « par manque de moyens », certes et je ne  peux que m’inquiéter moi aussi de la faiblesse de la mobilisation anti-raciste.

Mais on m’a dit aussi « pour ne pas légitimer leurs propos en leur répondant ».
Mieux vaut, sans doute, légitimer un état policier en médiatisant ces mêmes propos sans y répondre.

 Posted by at 14 h 20 min

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