Août 232012
 

Il semble que ces derniers temps, dans une optique étonnemment marxienne pour un gouvernement socialiste, on parle beaucoup de régulation du Net.

Car on sait bien que l’homme est un loup pour l’homme, que les méchants sont, eh bien, méchants, et que tout organisme social détruit les plus faibles au profit des plus forts, ce qui contraint le chef – forcément éclairé – à établir par la force et par la loi des règles de vie en commun.

La régulation.

Et tant pis si, depuis sa naissance et surtout depuis son formidable essort des 20 dernières années Internet a toujours démontré sa résistance à toutes les dérives  ci-dessus présupposées: s’il ne l’a fait il le fera, forcément, parce que, eh bien… Parce que.

On craignait que le commerce ne prenne la place de la libre expression. On a vu l’inverse. On craignait qu’AOL ne devienne le portail forcé du Web. On connait le résultat. On était sûrs que la publicité envahirait nos écrans, il a suffit d’un petit plugin pour la faire disparaître. On voyait Microsoft imposer son propre HTML propriétaire, on en rit encore. Netscape devait tuer les navigateurs libres, il est mort.

Où étaient nos régulateurs ces 20 dernières années, et comment Internet   a-t’il pu survivre sans eux ? A se demander, finalement, si nos présupposés ne seraient pas, tout simplement, des mensonges qu’on nous a fait avaler pour mieux nous imposer des contrôles (mais je n’irai pas trop dans cette   direction libertaire). Ou plus simplement que la mise à plat des anciennes hiérarchies verticales a permi d’exercer – un peu – certaines des libertés que nos constitutions étaient supposées nous garantir (mais pas dans les faits faut pas déconner).

Et que ces libertés nous ont permis (à ces « nous » qui formons ce réseau) de choisir un peu de notre avenir en nous apportant tout à la fois le savoir et le choix: le savoir quel était le danger, et le choix d’aller voir ailleurs.

Un tel état d’a-régulation ne saurait durer, et, dans une récente chronique à succès, Gaëtan Poupeney nous le répète encore: si vous n’acceptez par d’être régulés, bande de petits chenapans, vous serez mangés par le grand méchant Google (ou Apple, ou  Microsoft, ou Wanadoo ou AOL, #oupas).

Je passe les techniques de basse manipulation qu’il emploie pour convaincre que son employeur est le mieux placé pour nous gouverner: c’est de bonne   guerre (enfin, disons que pour une 1ère année de maternelle es régulation  c’est un bon élève). Mais sur le fond ?

Rien. Ou plutôt si, toujours la même chose: tremblez braves gens et donnez-nous le pouvoir sinon vous serez mangés par les méchants.

Ca fonctionne depuis toujours, ce truc, dès qu’on est plus de trois.

Sur Internet, pourtant, le plus fort n’est pas forcément le plus puissant (il suffit de voir la liste des disparus et la « puissance » de leurs remplaçants quand ils ont commencé leur carrière). Ni le plus méchant (j’attends toujours de voir Netscape devenir  hégémonique). Sur Internet, le plus fort, eh bien, le plus souvent c’est simplement le plus utile.

Le plus utile, le plus adéquat à un instant donné, celui qui saura le mieux respecter les  besoins des utilisateurs, celui qui saura le mieux s’adapter à un monde dans lequel, pour de bon, le peuple est le roi.

Introduire là-dedans une régulation, quelle qu’elle soit, quelle que soit sa forme et ses  promesses, c’est réduire à néant ce pouvoir: ce ne sera plus le peuple qui sera aux  commandes et qui choisira par qui il   sera mangé (ou plutôt qui il mangera  ensuite), mais un tiers qui sera  nommé on ne sait par qui, ni pourquoi. Plutôt que de  dire, haut et fort – par la loi s’il le faut – qu’à contrario de toute « régulation » c’est de stricte neutralité dont Internet a besoin, il faudrait laisser ce tiers décider de ce qui est bon, ou pas, pour nous.

Nous avons ce qui s’approche le plus d’une démocratie réelle. Et, nous dit-on, de plus en plus fort et de plus en plus souvent, il nous faudrait, pour la conserver, en faire notre deuil.

Comprenne qui pourra.

 Posted by at 13 h 44 min

  7 Responses to “Régulez, y’a rien à voir.”

  1. clap-clap-clap … Je ne peux qu’applaudir à ce billet en souhaitant qu’il soit lu (et compris) par ces « messieurs qu’on nomme grands » qui de toute évidence n’ont rien compris à cet Internet en constante mutation.

  2. 200% d’accord. Vivement les nouvelles générations web au pouvoir. Ils, elles seront peut être plus internet compatible et, on peut rêver un peu, sauront peut être et s’en servir, et s’en inspirer…
    Et pour ceux qui sont aux commandes, ils devraient se rappeler que c’est en partie grâce à internet et aux outils des grands méchants que le printemps arabe a eu lieu.

  3. Si nos dirigeants étaient vraiment libéraux, ils ne chercheraient pas a réguler internet. Nous vivons dans un monde étrange, pourquoi les biens et les services peuvent-ils circuler librement alors que ce n’est pas le cas pour les personnes ? Pourquoi les dirigeants cherchent-ils a restreindre la libre circulation des informations ?

  4. Je ne sais pas… A l’évidence, je suis d’accord avec vous s’agissant des projets de régulation que les gouvernements successifs (droite clientéliste et « décomplexée » néolibérale ou gauche socialiste « désengagée » néolibérale) nous ressortent des cartons tous les 5 ans. Le rapprochement ARCEP-CSA envisagé actuellement, serpent de mer (vous le savez mieux que moi) est une connerie destinée à optimiser les recettes fiscales du gouvernement en désignant les Méchants Naméricains Google Apple et consorts, maintenir sous respiration artificielle encore un peu certaines industries locales, et imposer un système de contrôle-filtrage sur les contenus que nous, internautes (in english, « we, the coach potatoes ») publions sur le web. La Hadopi, ce « machin » imbécile, dirigé par des imbéciles, voté par des imbéciles cyniques au services de lobbyistes eux-mêmes payés par des imbéciles cupides à la tête d’industries devenues imbéciles elles aussi, continue de nous faire marrer. Le net s’est passé d’eux jusqu’à présent et continuera à se passer d’eux. La fable sarkozyste sur « internet, zone de non-droit », les visions apocalyptiques d’imbéciles comme Lefebvre, Besson ou Militello, tout ça nous a fait marrer (enfin, ça nous a bien fait beugler aussi, faut dire).

    L’idée de réguler les contenus est d’une connerie crasse. L’idée de filtrer les contenus est une boîte de Pandore, et la Loppsi le loup dans le poulailler. Le droit d’applique à internet, et ce depuis des années. Publiez une ôde à Ben Laden, une gallerie de photos pédo ou une longue tirade diffamatoire (expliquez par exemple que JF Copé se dorait la pilule dans la piscine de Takieddine avant de papoter rétrocommissions et affaires louches devant le barbecue – ah mais pour diffamer il faudrait que ça soit faux, suis-je bête), et votre contenu saute, et vous allez vous expliquer devant un juge. Il y a encore 2 ans, il suffisait de se foutre de la gueule du fiston Sarkozy ou de Clodguéant pour avoir une cybergrigade sur le cul.

    Le téléchargement c’est un peu différent : c’est dans l’ordre des choses. Le partage non-marchand passera, il passe depuis 15 ans, il continuera, n’en déplaise aux oligarques des industries du « contenu culturel », les clowns de la RIAA, de la MPAA, du SNEP ou de l’IFPI.

    Bref, pour les enjeux réellement importants (empêcher la diffamation, les comportements ignobles comme la pédopornographie ou encore l’apologie du terrorisme), c’est prévu, c’est encadré, depuis un bail, pas besoin d’en rajouter dans le filtrage (= mettre la poussière sous le tapis tout en créant un précédent qui sera utile un jour pour faire fermer leur gueule à tous ces journalistes et ces activistes qui disent pis que pendre sur les petites combines des prétendus « garants » de nos droits, justement). Et pour les autres enjeux (les catalogues des industries vieillissantes), ils finiront par s’adapter – ou mourir, pas la peine d’aller entamer la neutralité du réseau pour sauver des machins moribonds qui s’amusent à envoyer des assignations à leurs propres clients).

    Mais j’ai quand même un léger doute sur l’absence totale de régulation. Même la liberté d’expression est régulée, en tous cas ici, sur le vieux continent (la preuve, elle est régulée sur le web). Alors si je suis parfaitement d’accord pour critiquer toute tentative de régulation qui viserait uniquement à permettre à Orange, Free ou Apple de créer des internets à douze vitesses pour privilégier leurs contenus, tuer la neutralité et transformer le web en une grosse télévision de merde, en revanche je me pose la question s’agissant de la place qu’ont pris des trucs comme Google ou Facebook.

    Vous disiez qu’AOL n’est jamais devenu le portail forcé du web qu’on craignait à l’époque… Est-ce que Google et Facebook ne sont pas devenus un peu ça, pour la majorité de nos contemporains ? Je veux dire, vous et moi évitons de dépendre de ces trucs, je n’ai pas de Facebook, je multiplie les moteurs de recherche, mais vous et moi ne représentons pas l’usage courant du web. L’usage courant, c’est (i) ma homepage iGoogle me dit tout ce que j’ai à savoir aujourd’hui, et ensuite vite vite (ii) je passe sur Facebook qui constitue mon principal sinon unique point d’entrée sur le web, parce que c’est quand même très très important que je sache si Tata Josiane a chié mou ou si j’ai reçu un message de ce nouveau groupe auquel j’ai adhéré, « il tronche sa nana le téléphone allumé »… et ces boîtes font reposer leur modèle économique sur la collecte de données personnelles, l’appropriation du « user generated content », tout ça. Sans insister sur le concept marxien de « surtravail », et sans repartir dans de grandes tirades sur Orwell, Huxley, Gibson et le totalitarisme qui vient, je me demande quand même s’il n’y a pas de solides régulations à mettre en oeuvre pour foutre ces saletés au pas, et les empêcher de piller et monétiser les données personnelles des individus comme ils le font, parce que ça pose des problèmes de biopolitique assez aigus. Le gros des troupes est loin de privilégier les logiciels libres ou de s’intéresser aux « libertés de l’utilisateur ». Le gros des troupes est loin de comprendre que des entreprises comme Facebook commercialisent en réalité de fines lamelles de vie privées, soit l’arraisonnement ultime du mercantilisme qui dévore la vie perso, les goûts culturels, les liens familieux ou amicaux, etc.

    En clair, empêcher Clodguéant ou Manuel Valls de penser pour nous, évidemment (my god !). Empêcher la SACEM ou le SEL d’imposer son mode de diffusion de l’information, évidemment. Bref, lutter contre la tendance sécuritaire/policière qui conduit ces cons à vouloir régenter, réguler, contrôler, filtrer, bloquer et découper, évidemment.

    Mais est-ce qu’en revanche on n’a pas besoin de réguler ce que certaines grosses boiboites font avec NOS données, NOS contenus, NOTRE production de sens ? Pour éviter justement que pendant qu’on lutte contre le sécuritarisme et le clientélisme, on se fasse niquer par le marketing et les diktats consuméristes ?

    • Je réponds peu (d’accord: jamais) aux commentaires déposés ici, et j’ai honte. Je promets de m’améliorer et je commence dès à présent.

      Google, Facebook, oui. Même moi aujourd’hui (même si mon navigateur s’ouvre sur « about:blank ») je passe quasiment toujours par Google même pour aller sur un site dont je connais l’URL. Mais, à mon avis, Facebook et Google ne sont que les AOL du jour. Eux aussi disparaîtront, « régulés » qu’ils seront par les usages à leur tour. Vues leur taille ce ne sera pas pour demain, bien sûr, mais ces choses vont vite, dans nos Internets. Ils seront remplacés par plus rapide, plus pratique, mieux pensé, moins intrusif au fur et à mesure que les usages sont intégrés et que la prise de conscience peut se faire.

      J’envisageais (en 2006) de créer un service de mail en ligne. Ca n’a pas pu se faire à l’époque et puis Gmail est arrivé et a rendu ce projet obsolète. Et c’est resté comme ça depuis, sauf que maintenant, de plus en plus autour de moi j’entends des gens (peu, c’est vrai, peut-être 1 sur 500 mais quand on parle de dizaines de millions d’utilisateurs ça reste un public plus que conséquent) se plaindre non pas du service mais du danger, du risque d’interception, de surveillance, bref de Google. Et du coup la possibilité d’ouvrir un tel service aujourd’hui est à nouveau possible (nonobstant le fait que je suis désormais hors-jeu sauf à trouver des jeunes programmeurs prêts à me suivre sur ce type de projet). Et qui sait si le petit service créé pour remplir ce qui n’est qu’une niche aujourd’hui ne deviendra pas demain le nouveau leader, pour quelques temps ?

      Pas besoin de régulation pour ça.

      A mon avis.

  5. C’est que le dernier paragraphe a raison deux fois;

  6. Hello,

    I am sorry to post a question like this on this blog for you, but I couldn’t find your contact e-mail address.

    My question is:
    ===============
    Hello,

    I did read you worked at Brainstorm to develop stuff for Atari in the past.
    We also did read that the Adebug from brainstorm was release on internet by Alex from Brainstorm.

    We are looking for other things from Brainstorm. But after so many years the people are hard to find .
    We would like to ask you if you could help release the source code of the Jaguar development tools to the public.
    We are looking for the GCC for the DSP/GPU Risc that was part of the devkit, also the software that works with the Alpineboard RDB and WDB

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